dimanche 20 décembre 2015
Stéphane Bern: « Mon vrai secret? Je suis un sac de larmes! »
Alors que sort le tome 5 de Secrets d’Histoire, la version littéraire de l’émission qu’il présente depuis 2007, l’animateur le plus demandé du Paf nous illumine sur ses secrets personnels.
A la radio le matin, à la télévision l’après-midi, mais aussi de nombreux soirs avec son émission Secrets d’Histoire qu'il décline en livre, nous avons rencontré ce boulimique de travail à l’heure de son petit déjeuner, seul créneau possible dans un agenda digne d’un ministre. Ce qui ne l’a pas empêché d’être volubile et de nous ouvrir sa boîte à secrets.
Gala : Vous publiez le chapitre 5 de Secrets d’histoire, le pendant de votre émission sur France 2. Qu’est-ce qui vous passionne tant chez les grands de ce monde ?
Stéphane Bern : Ce qui me passionne ? Cette constante qui est identique depuis la nuit des temps. Je réussis à me reconnaître dans toutes les époques car j’y trouve les trois passions humaines qui dominent le monde : l’amour et/ou le sexe, le pouvoir et l’argent.
Gala : Vous étiez un enfant bavard, mais étiez-vous un enfant secret ?
S. B. : J’étais obligé de l’être car ce qui me passionnait n’intéressait pas les autres. Dans la cour de récréation, je discutais du Luxembourg, pas du jardin mais du grand-duché… En famille, quand je racontais à mes parents, plutôt républicains, les histoires de la reine d’Angleterre, ça leur passait au-dessus de la tête. D’ailleurs, ma mère s’inquiétait et pensait que mes vacances chez mes grands-parents au Luxembourg avaient un effet pervers sur moi… Mes parents et mon frère me disaient toujours : « Stéphane, tais-toi, arrête avec tes histoires ». Pour toutes ces raisons, j’ai été un enfant solitaire. Comme je n’avais pas voix au chapitre, je me taisais. Tout ce que je voulais faire dans la vie, je l’ai gardé pour moi. Je leur ai offert, en apparence, tout ce qu’ils attendaient, comme les études. Résultat, le jour où pour leur faire plaisir j’ai eu mes diplômes, je suis reparti de zéro, pour me faire plaisir.
Gala : Y avait-il des secrets de famille chez les Bern ?
S. B. : Pas vraiment des secrets, plutôt des pudeurs. Par exemple, la maladie de ma mère, qui l’a emportée alors qu’elle n’avait que cinquante-deux ans, était presque secrète. On n’en parlait pas. On savait juste qu’il ne fallait pas entrer dans sa chambre. Plus tard, j’ai compris qu’elle était très malade, elle était diabétique. Elle ne se plaignait pas, la maladie n’a jamais été une excuse pour ne pas voir une expo, ne pas partir en voyage… Elle ne disait rien, c’était tabou. J’ai réalisé ce qu’il se passait réellement quand elle a été hospitalisée. Malheureusement, c’était la fin.
Gala : Cette situation n’était-elle pas trop lourde ?
S. B. : Même si c’était terrible, je comprends l’attitude de mes parents. Vous savez, j’ai reçu une éducation particulière, un peu à la prussienne, c’est-à-dire assez dure. Chez nous, on ne répondait pas, on n’était pas insolents – moi je l’étais, je vous laisse imaginer ! –, on n’avait pas le droit de sortir tant que l’on vivait sous le toit de nos parents. Pour vous donner une idée, ma mère me répétait toujours : « On ne mérite l’amour des autres que si l’on est un bon petit soldat ». Bref, il y avait un tas de règles assez strictes à suivre. Le tabou absolu ? Renter dans la chambre ou la salle de bains de nos parents.
Gala : Cette interdiction fait-elle croire qu'ils ont quelque chose à cacher ?
S. B. : Non. J’ai vite compris que mes parents étaient un vrai couple, qu’ils faisaient parfaitement la différence entre leur vie de parents et leur intimité. Ça peut sembler archaïque car aujourd’hui les enfants sont rois, mais c’est très important. Ne vous méprenez pas, j’ai eu une éducation merveilleuse, pleine de joie, de bonheur et d’amour, même si elle était sévère. Si j’accepte tout ce qu’on me balance depuis trente ans – sur mes cheveux, mon look, ma façon de parler et j’en passe –, si j’ai cette force de caractère, c’est grâce à cette éducation. Dans notre société, on est obligé de se battre pour exister. Il faut avoir quelque chose dans le ventre, sinon on crève.
Gala : Cette éducation vous a-t-elle aussi permis de tout assumer ?
S. B. : Oui et non. On était quand même assez libres intellectuellement. On faisait partie de cette petite bourgeoisie qui s’élève par la culture et le travail. Au fond, dans ce milieu, tous vos choix de vie sont acceptés.
Gala : L’homosexualité aussi ?
S. B. : On n’en parlait pas. Comme on ne parlait pas du reste, d’argent, de politique ou de religion. ça n’a jamais été un secret : ça n’existait tout simplement pas. C’était un non-sujet, toute vie privée était un non-sujet d’ailleurs. Mon frère n’évoquait pas ses copines. Et comme d’autres se sont chargés de raconter ma vie, de dévoiler mon intimité, je n’ai pas eu besoin de le faire. Mon père a intégré l’idée depuis longtemps, il s’en fout. En revanche, il n’aime pas que les gens lui en parlent. Un jour, lorsque Mireille Dumas l’a questionné sur mon homosexualité, il lui a tout simplement répondu : « Ça n’est déjà pas un sujet de conversation à la maison, pourquoi voulez-vous que ça le soit à la télévision ? »
Gala : Accepte-t-il votre style de vie ?
S. B. : Mon père accepte tout. Il est charmant, il vient en vacances chez nous, en Grèce. Entre nous il y a beaucoup d’amour et de compréhension mutuelle.
Gala : On vous pose souvent la question de la paternité…
S. B. : Oui, on m’en parle souvent alors que je n’en ai aucun désir. Il est vrai qu’aujourd’hui, tous les couples gays veulent des enfants, ça devient un élément de confort, j’en suis ravi. Si je pouvais, j’adopterais pour offrir le confort à un enfant malheureux. Mais je ne me sens pas à ce point génial pour avoir envie de me reproduire. Mon enfant, ça veut dire quoi ? Si c’est un besoin de transmission, moi je veux bien transmettre le goût de l’histoire à tous les enfants de la terre. Mais pas au mien. Je n’ai pas l’instinct de propriété.
Gala : Revenons à votre mère. Outre le fait de vous avoir caché sa maladie, était-elle une femme secrète ?
S. B. : Bien sûr, je trouve formidable qu’elle n’ait pas tout ramené au diabète. Cette forme de dignité est passée de mode aujourd’hui. On est dans l’ère du grand déballage, tout le monde s’épanche. Je me souviens, une fois, la porte de sa chambre était entrouverte et je l’ai aperçue en train de s’injecter de l’insuline. J’ai alors compris pourquoi elle nous interdisait l’accès à sa chambre, et ce qu’était le diabète insulinodépendant. Ç’a été violent. Mais qu’elle continue de vivre, d’être belle, charitable et heureuse m’a rassuré.
Gala : Toutes les vérités ne sont donc pas bonnes à dire ?
S. B. : Non. Faut-il tout dire à ses parents, à ses enfants…Je ne crois pas. Moi, comme j’ai toujours fait un transfert sur les grandes familles, je me suis davantage préoccupé des généalogies royales que de ma propre généalogie. J’aime ce sentiment d’appartenir à une grande histoire dans lequel je ne suis qu’un grain de sable. C’est certainement une manière de me cacher… Physiquement, j’ai eu une enfance difficile, j’étais un petit gros à lunettes… Comme Marc-Olivier Fogiel ou Laurent Ruquier, on dit tous les trois la même chose, mais en fait, arrêtons de nous mentir, on a tous fait ce métier pour exister et sortir du lot.
Gala : Vous sous-entendez qu’avec la télé vous tenez votre revanche ?
S. B. : Non, car étrangement je n’ai jamais voulu exercer ce métier, je voulais juste être journaliste et me cacher derrière ma signature. Sauf que la radio, puis la télé sont très vite venues me chercher. Pour répondre à votre question, c’est une revanche que je n’ai pas voulu prendre, mais que l’on m’a donnée. Quand je rêvais, petit, à toutes les têtes couronnées qui peuplaient mon imaginaire, je me disais : ils ne le savent pas mais un jour je les rencontrerai tous. Quand c’est arrivé, ma névrose a disparu. J’ai fait exactement ce dont je rêvais gamin, autant dire que c’est beaucoup mieux qu’une psychanalyse ! C’est certainement le plus beau secret du bonheur : réaliser ses rêves d’enfant.
Gala : Petit, vous rêviez aussi d’être un sex-symbol à la Brad Pitt… C’est toujours le cas ?
S. B. : Non, et je me rends compte avec le temps qu’on a plus de succès à cinquante ans qu’à vingt ou trente. Aujourd’hui, je n’ai plus de complexes. Les gens s’intéressent davantage à ce que je dis qu’à mon apparence et au fond, les relations tiennent plus longtemps. Quand on ne s’attache qu’au physique, ça ne dure qu’une soirée, on n’a pas forcément envie de rester pour le petit déjeuner… Avec moi, certains ne sont jamais partis !
Gala : Vous êtes donc avec votre ami depuis longtemps ?
S. B. : Depuis très longtemps. Ça se compte en décennies…
Gala : Est-ce que lorsqu’on s’appelle Stéphane Bern, homme public, on parvient à préserver son jardin secret ?
S. B. : Déjà, quand on est un homme public, on peut s’offrir un vrai jardin, ce que j’ai. Et un jardin secret, évidemment, oui. Ceux qui disent : « Moi, je donne tout à mon public, foutaise ! » On a une vie privée comme tout le monde. Bon, je l’admets, faute de temps, je suis plus privé de vie que de vie privée. Je pars à 7h30 et je ne rentre qu’à 21h30 et le week-end, je tourne Secrets d’Histoire, ce qui me laisse peu de temps… Mais je fais ce dont j’ai toujours rêvé. Qui va me plaindre ? Pas même moi. L’été, j’évite Saint-Tropez… Comme tout le monde le sait, je pars en Grèce, sur une petite île très difficile d’accès, où j’ai une paix royale. De plus, je suis convaincu que si on est sobre dans sa vie personnelle, si on assume ses choix, les gens ont tendance à vous protéger. Mais j’ai la chance de ne travailler ni sur TF1 ni sur M6, je ne suis pas obligé d’être « formaté » contractuellement, c’est-à-dire de cacher mon homosexualité.
Gala : À ce moment précis, rêvez-vous secrètement à quelque chose ?
S. B. : Non, j’essaie d’être dans le présent car pendant longtemps j’étais soit dans le passé, soit dans le futur. Je veux profiter de chaque instant de la vie, qu’il soit juste délicieux. Mais, vous vous voulez connaître mon vrai secret ? Ne me secouez pas trop car je suis un sac de larmes.
Source : GALA
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