C'est à Fischbach et à Colmar-Berg que se déroule le tournage de Secrets d'Histoire consacré à la Grande Duchesse Charlotte et bien sûr au Palais grand-ducal. C'est à deux pas de là que wort.lu/fr a recontré l'animateur pour lui poser quelques questions.
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Dans les escaliers du palais grand-ducal, Stéphane Bern affiche un drapeau luxembourgeois sur son smartphone. |
Plus royaliste que le roi concernant le Luxembourg, pourfendeur
des clichés sur le Grand Duché, Stéphane Bern en donne une vision forte,
évoque l'ouverture d'esprit du pays, la gentillesse de ses habitants et
de la famille grand-ducale, la beauté des paysages… en donne une vision
parfois idéaliste, certes, mais fort sympathique.
Très sympathique et souriant, tel qu'il paraît à l'écran, il répond à
nos questions, revient régulièrement et avec fierté sur ses origines
luxembourgeoises, avec quelques apartés rêveurs… ou cassants.«Le fait de
vivre loin rend tout plus beau», concède-t-il. «C'est lié à l'enfance.
J'ai eu une enfance parfois un peu difficile et pour moi, le Luxembourg
est lié à tous les souvenirs heureux, lorsque je venais chez mes
grands-parents.» Le député Laurent Wauquiez, qui avait récemment suggéré
d'exclure le Luxembourg de l'Europe, en prend pour son grade au
passage: «Dédicace spéciale à Laurent Wauquiez – dont l'existence en
politique n'est pas indispensable: Schengen est au Luxembourg!»
- Comment avez-vous présenté le sujet à France 2 et comment a-t-il été accepté?
Je leur ai dit: faites-moi confiance! La réaction avait aussi été
frileuse lorsque j'ai proposé la princesse Palatine ou d'autres
personnages historiques peu connus en France. Or les résultats
d'audience ont été excellents, les gens s'intéressent à ces aspects de
l'Histoire!
- Pourquoi ce choix d'une émission consacrée à la Grande Duchesse Charlotte?
J'ai vécu dans le culte de la Grande Duchesse Charlotte à travers mes
grands-parents maternels qui étaient luxembourgeois. Pour eux comme
pour tous ceux qui avaient connu la Seconde Guerre mondiale, la Grande
Duchesse Charlotte est quelqu'un de très important, un peu comme une
«sainte laïque».Et puis France 2 a l'habitude de parler du Luxembourg
d'une façon qui me déplaît fortement. Le tournage de l'émission Cash
investigation a été fait selon des méthodes de voyou! On peut parler du
Luxembourg autrement: il existe ici une immense richesse culturelle, il
faut sortir du cliché sur le secret bancaire! Mon objectif avec cette
émission consacrée à la Grande Duchesse Charlotte, c'est aussi cela:
changer les clichés que les Français peuvent avoir sur le Luxembourg.
- Justement, les Français connaissent rarement la Grande Duchesse
Charlotte. Comment expliquez-vous que son nom n'apparaisse pas ou peu
dans les livres d'Histoire en France?
C'est le drame des grands pays de se focaliser sur leur égo! On ne
parle pas non plus dans ces livres de la reine Wilhelmine des Pays Bas
ou du roi Haakon VII du Danemark qui ont, eux aussi, joué un rôle
pendant la guerre. Si en France, on veut faire de vrais Européens, il
faut leur enseigner l'histoire de l'Europe. On ne peut pas savoir où
l'on va si l'on n'a pas compris d'où l'on vient. Quand je vois la montée
du Front national en France, cela me fait peur. C'est en connaissant
l'Histoire, en sachant ce qui s'est passé et en le comprenant que l'on
peut justement éviter de reproduire les mêmes erreurs. J'ai un devoir de
mémoire. Il est important de rappeler les actes héroïques des
Luxembourgeois. Je mets du cœur dans tout ce que je fais. Mais ce
Secrets d'Histoire consacré à la Grande Duchesse Charlotte est une
émission particulière. J'y mets beaucoup plus d'affect.
- L'émission a fait appel à différents témoins qui ont connue la Grande Duchesse. Lesquels verrons-nous apparaître?
Le Grand Duc Jean a accepté de nous parler de sa mère… Une interview
pas très longue, mais émouvante… Et c'est la première fois aussi que le
Grand Duc Henri accepte de consacrer trois heures d'interview à propos
de sa grand-mère. Naturellement nous ne diffuserons pas les trois
heures! Nous avons aussi interviewé Curtis Roosevelt, le petit-fils du
président F.-D. Roosevelt avec lequel la Grande Duchesse Charlotte
s'était liée d'amitié. Guillaume et Stéphanie et puis bien sûr d'autres
de ses petits-enfants, comme Marie-Astrid. Et puis d'autres encore: les
historiens Paul Dostert, Paul Lesch, le premier ministre Xavier Bettel…
- Vous connaissez bien l'histoire de la Grande Duchesse Charlotte,
vous aviez déjà prêté votre voix pour le film Léif Lëtzebuerger
relatant son exil aux USA. Quelle perception avez-vous de cette femme
aujourd'hui?
J'avais une vision extatique de la Grande Duchesse Charlotte. J'ai
été élevé par mes grands-parents avec le poids de la guerre. Or elle
représentait, en plus de sa qualité de souveraine, une figure si
emblématique pour les Luxembourgeois qui ont vécu cette période! J'ai
appris beaucoup en préparant cette émission, grâce aux témoignages. Ses
petits-enfants m'ont raconté que c'était une grand-mère formidable. J'ai
appris aussi que chaque jour vers 17 heures, elle prenait une cigarette
et buvait une bière et qu'elle jouait de l'accordéon pour se détendre.
Qu'elle ne se contentait pas d'aimer les fleurs, mais qu'elle a planté
elle-même des arbres et des fleurs dans les jardins du château de
Fischbach, elle avait un vrai talent de paysagiste! C'était une femme
très moderne, elle faisait tout elle-même: elle travaillait, élevait ses
six enfants, décidait de tout, sans jamais outrepasser ses fonctions
souveraines ou institutionnelles. Et puis elle avait cette simplicité
que j'aime chez les Luxembourgeois. Elle incarne au plus haut point la
simplicité. Elle avait aussi un sens de l'empathie, comme les membres de
la famille grand-ducale, en prenant les problèmes des autres comme les
siens.
- Si vous pouviez lui parler aujourd'hui, quelles questions souhaiteriez-vous lui poser?
Je serais trop impressionné pour lui parler! Evidemment, j'y
arriverais… mais je manquerais de discernement je pense. Je lui
demanderais de raconter comment, tout-à-coup, vers quatre ou cinq heures
du matin, elle a décidé de partir. Cela a dû être vraiment horrible,
même si c'était le bon choix. Et puis comment on arrive à tenir avec
cette foi inébranlable: «je vais sauver mon pays».
Propos recueillis par Anne Fourney
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